Optimiser la stimulation neuromusculaire (NMES) en réadaptation : comment, quand et pourquoi?
La stimulation neuromusculaire, largement désignée dans la littérature par l’acronyme NMES (stimulation électrique neuromusculaire), constitue une modalité couramment utilisée en réadaptation pour renforcer les muscles dont la contraction volontaire est diminuée.
La NMES peut être utilisée dans le cadre de traitements conservateurs, ainsi qu’avant, pendant et après une intervention chirurgicale. Son principal intérêt est de pouvoir activer les unités motrices, même en présence de douleur, d’œdème ou d’inhibition neuromusculaire.
Plusieurs muscles peuvent en bénéficier, mais le quadriceps demeure le plus étudié en raison de son rôle fonctionnel essentiel et de sa sensibilité à l’inhibition arthrogène : un réflexe protecteur qui réduit l’activation musculaire lorsqu’une articulation est irritée ou douloureuse (Watson, 2020).
Les bases scientifiques de la NMES: un mécanisme particulier de recrutement moteur
Sur le plan neurophysiologique, la NMES stimule directement les nerfs moteurs grâce à un courant électrique appliqué à la surface de la peau. Cette stimulation contourne le contrôle volontaire et provoque une contraction musculaire en dépolarisant les axones. Contrairement au recrutement physiologique, les unités motrices de petit diamètre sont activées en premier. Elles correspondent surtout aux fibres de type I, qui sont endurantes mais moins puissantes. Avec la NMES, l’activation se fait plus rapidement au niveau d’unités motrices plus larges, associées aux fibres de type II, qui sont plus rapides et plus puissantes (Watson, 2020). Cette inversion du recrutement permet de produire une contraction efficace même lorsque l’activation volontaire est limitée par la douleur, l’inhibition arthrogène, la chirurgie ou l’immobilisation. Elle joue ainsi un rôle important dans la prévention de la perte de qualité musculaire et dans le rétablissement de la fonction lorsque l’effort volontaire est restreint.
Au-delà des effets neurophysiologiques, la NMES peut aussi jouer un rôle motivationnel important en réadaptation. Chez un patient incapable de produire une contraction volontaire, notamment en phase préopératoire ou dans les jours suivant une chirurgie, le fait d’observer une contraction visible induite par la stimulation constitue souvent une source de réassurance et de motivation. Cette réponse musculaire objective donne au patient l’impression d’être actif dans sa récupération, même lorsque la douleur, l’œdème ou l’inhibition neuromusculaire limitent l’effort volontaire. Cette expérience peut renforcir l’engagement dans la réadaptation, diminuer l’appréhension liée au mouvement et favoriser l’adhésion au programme d’exercices.
Temporalité optimale d’utilisation : de la période préopératoire au retour fonctionnel
La période préopératoire
La préhabilitation musculaire est associée à de meilleurs résultats postopératoires (Anderson et coll., 2021), et la NMES peut aider à maintenir la fonction lorsque la douleur ou l’instabilité limitent l’exercice volontaire (Watson, 2020). Bien que les preuves directes préopératoires soient encore insuffisantes, les effets observés dans la phase postopératoire précoce suggèrent qu’une stimulation électrique régulière permet de préserver la force et de réduire la perte musculaire attendue (Watson, 2020). Elle s’insère donc naturellement dans un programme de renforcement musculaire avant une opération de reconstruction ligamentaire ou une arthroplastie.
La phase postopératoire précoce
Les bénéfices les plus marqués de la NMES sont observés lorsqu’elle est instaurée rapidement après la chirurgie. Conley et ses collègues (2021) recommandent de l’introduire dans les deux premières semaines postopératoires, période durant laquelle l’inhibition musculaire est maximale. Une mise en œuvre précoce favorise ainsi une meilleure activation du quadriceps et accélère la récupération de la force. Dans une récente méta-analyse de Li et coll. (2025), il est recommandé de commencer la rééducation neuromusculaire dès les premiers jours suivant une opération de reconstruction du ligament croisé antérieur. Cette méthode s’avère plus efficace que si elle était mise en place plus tard. Cela met en évidence l’importance de débuter rapidement les traitements de neurostimulation musculaire pour maximiser la fonction.
La phase intermédiaire
Au fur et à mesure que la douleur s’estompe et que la mobilité s’améliore, la NMES se révèle être un outil précieux pour renforcer les muscles de manière volontaire. Elle permet aux patients de contracter leurs muscles à des niveaux de difficulté qu’ils ne pourraient pas atteindre seuls, favorisant ainsi le développement musculaire. Lorsqu’elle est combinée à un programme d’exercices, elle peut renforcer la force et soulager la douleur, en particulier à une fréquence de 50 à 75 Hz (Novak et coll., 2020). L’utilisation de cet exercice peut varier en fonction des objectifs à atteindre, que ce soit la force, la proprioception ou l’endurance.
La phase tardive
Dans les cas où le patient est en mesure de réaliser des exercices à haute intensité, l’utilisation de NMES se concentre davantage sur les objectifs de réadaptation spécifiques et s’adapte au mode de vie. Elle peut être utilisée pour corriger des déséquilibres persistants, et les déficiences résiduelles ou appuyer la quantification du stress mécanique lors de reprise d’activités significatives ou sportives. Ses effets sont généralement plus modestes à cette étape, mais demeurent utiles. Par exemple, la méta-analyse de Peng et ses collaborateurs (2021) rapporte des améliorations fonctionnelles modérées, mais cliniquement pertinentes après une arthroplastie totale du genou.
Conclusion : une modalité efficace lorsqu’elle est intégrée au bon moment
La NMES atteint son plein potentiel lorsqu’elle est rigoureusement intégrée au processus de réadaptation. En période préopératoire, elle contribue au maintien de la masse et de la qualité musculaires. Immédiatement après l’intervention, elle atténue l’inhibition neuromusculaire, facilitant ainsi la réactivation précoce du muscle ciblé. Dans les phases plus avancées de la rééducation, elle soutient le renforcement progressif, la quantification du stress mécanique et l’optimisation de la fonction musculaire. Pour assurer des effets durables, une utilisation régulière demeure essentielle, au même titre qu’un programme structuré d’exercices, puisque la répétition et l’intégration de la stimulation en autosoins en maximisent l’efficacité. Enfin, l’important corpus de données probantes portant sur le quadriceps offre un cadre de référence solide pour orienter son application clinique et peut, avec discernement, être transposé à d’autres groupes musculaires.
Références
Watson, T. (2020). Electrotherapy Evidence-Based Practice (13e éd.). Elsevier.
Anderson, A. M., Comer, C., Smith, T. O., Drew, B. T., Pandit, H., Antcliff, D., Redmond, A. C., & McHugh, G. A. (2021). Consensus on pre-operative total knee replacement education and prehabilitation recommendations : A UK-based modified Delphi study. BMC Musculoskeletal Disorders, 22(1), 352. https://doi.org/10.1186/s12891-021-04160-5
Conley, C. E. W., Mattacola, C. G., Jochimsen, K. N., Dressler, E. V., Lattermann, C., & Howard, J. S. (2021). A Comparison of Neuromuscular Electrical Stimulation Parameters for Postoperative Quadriceps Strength in Patients After Knee Surgery : A Systematic Review. Sports Health: A Multidisciplinary Approach, 13(2), 116‑127. https://doi.org/10.1177/1941738120964817
Li, Z., Jin, L., Chen, Z., Shang, Z., Geng, Y., Tian, S., & Dong, J. (2025). Effects of Neuromuscular Electrical Stimulation on Quadriceps Femoris Muscle Strength and Knee Joint Function in Patients After ACL Surgery : A Systematic Review and Meta-analysis of Randomized Controlled Trials. Orthopaedic Journal of Sports Medicine, 13(1), 23259671241275071. https://doi.org/10.1177/23259671241275071
Novak, S., Guerron, G., Zou, Z., Cheung, G., & Berteau, J.-P. (2020). New Guidelines for Electrical Stimulation Parameters in Adult Patients With Knee Osteoarthritis Based on a Systematic Review of the Current Literature. American Journal of Physical Medicine & Rehabilitation, 99(8), 682‑688. https://doi.org/10.1097/PHM.0000000000001409
Peng, L., Wang, K., Zeng, Y., Wu, Y., Si, H., & Shen, B. (2021). Effect of Neuromuscular Electrical Stimulation After Total Knee Arthroplasty : A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. Frontiers in Medicine, 8, 779019. https://doi.org/10.3389/fmed.2021.779019
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